
Torreilles
Torreilles Pyrénées-Orientales Occitanie
Située dans la région naturelle de la Salanque entre Sainte-Marie-la-Mer au sud et Le Barcarès au nord, la commune de Torreilles ~ Torrelles de la Salanca s'étale sur 1713 ha. Son territoire est bordé au nord par le fleuve de l'Agly et au sud par le canal d'irrigation de l'Agulla de l'Auca.
Le canal Bourdigou~ El Bordigol, ancien lit de l'Agly, traverse le village avant d'aller se jeter dans la Méditerranée au lieu-dit Les Casernes.
Ces nombreux cours d'eau sur le territoire ont favorisé l'implantation des cultures maraîchères, vergers, et vignes sur les parties les plus sèches.
La commune de Torreilles comme beaucoup de communes du littoral est elle aussi scindée entre son vieux village et Torreilles-Plage
Le nom du village de Torrelles semble provenir des nombreuses "tours" de défense qui se dressaient sur son territoire. Il semble qu'elle fut durant l'antiquité un "relais étape" de la Via Domitia au lieu-dit "Mudagons". Il est fait mention du lieu dès 956 sous le terme de villa "Turrilias".
La structuration de son habitat au moyen âge semble s'être organisée autour de lieux fortifiés et de villages médiévaux sous la dépendance de plusieurs seigneurs et communautés religieuses jusqu'au 14e siècle. Ces fortifications ont depuis disparu, mais elles ont laissé leurs empreintes sur le blason de la commune.
Les textes retrouvés ont montré l'existence de quatre lieux fortifiés, la força de Torrelles, la força de la Gerardia, Castellàs de Peralada, el castell de Gozberti de Locata. Côté village sont apparus les noms de Juhegues, Mudegons et Labejà.
Au 10e siècle le territoire de Torreilles est aux mains de plusieurs monastères et églises.
L'église Sant Pere de Torrelles apparaît en 974. Aujourd’hui disparue, elle appartenait à l'abbaye de Sant Pere de Rodes en Catalogne Sud. Au 12e siècle, elle sera offerte par Guitard Gausbert et son épouse Adelaida, seigneurs de Torrelles, à l’abbaye de Saint-Michel de Cuxa. Il semblerait qu'elle fut située au nord-est du territoire au lieu-dit "La torre" au-delà de l'Agly.
La cellera "Forca de Torrelles" se développera autour de son église Saint-Julien-et-Sainte-Basilisse ~ Sant Julià et Santa Basilissa, citée dès 988.
L'édifice de style préroman possédait une structure à trois nefs et fut remanié au 12e siècle. Lors d'une restauration en 1912, les trois nefs furent réunies en une seule provoquant malheureusement la destruction d'une grande partie de la structure. Des travaux entrepris entre 1912 et 1921, on fait naître l'édifice actuel. À l'intérieur à découvrir notamment une pierre d'autel romane du 10e siècle, taillée dans un sarcophage wisigothique du 4e siècle ainsi qu'une cuve baptismale en marbre du 11e siècle.
Au sud-ouest de Torreilles apparaît le site de Mudagons mentionné en 916 (Villa Mutationes du latin mutatio = relais de poste). L'ancien village possédait son église Saint-Sébastien.
Autre village médiéval celui de Labejà qui apparaît dans les écrits en 916. Il était situé non loin de Claira au lieu-dit "el Vegueriu Baix". Il possédait lui aussi son église paroissiale Santa Eugènia mentionnée en 1162.
À l'est, au bord de la mer, les cabanes de pêcheurs du Bourdigou furent elles aussi citées dès le Moyen Âge.
À un kilomètre environ du vieux village en direction de Saint-Laurent de la Salanque à découvrir l'ermitage Notre-Dame de Juhègues. Chapelle d'origine romane citée dès le 11e siècle, elle fut transformée au 17e siècle afin d'en faire un ermitage. Le lieu apparaît dans les textes en 1011, puis l'église Sancta Maria de Villa Judaicas en 1089. Après la Révolution, l'ermitage sera vendu comme bien national. Réhabilité par la commune le site est composé d'une chapelle dédiée à la vierge du 15e siècle, d'un ermitage, et de bâtiments annexes.
L'espace ombragé de platanes séculaires accueille tous les étés le festival Jazz à Juhègues depuis 2002, le festival de musique classique Estiù Musical ainsi que de nombreuses autres activités de loisirs.
À partir de 1322, les terres de Torreilles passeront comme beaucoup d'autres sous la servitude de la seigneurie de Canet, et le resteront jusqu'à la Révolution française.
À la fin du 19e siècle, le territoire de Torreilles connaîtra comme beaucoup d'autres villages l'essor des vins du Roussillon.
Mais en 1907, la goutte d'eau. L'importation des vins d'Algérie et les vins falsifiés au sucre du nord satureront le marché de consommation, et déclencheront la " La Révolte des vignerons".
Blockhaus de Torreilles
Au beau milieu des "Terres salées", le territoire de Torreilles s'est adapté au fil des années en diversifiant ses cultures tant maraîchères que fruitières. Mais alors que le territoire de Torreilles est en pleine expansion, la Seconde Guerre mondiale commence.
Les troupes allemandes afin de protéger le troisième Reich du débarquement des Alliés construiront à Torreilles un ensemble de 14 constructions défenses, le point d’appui allemand LGS082, classé depuis décembre 2019 aux Monuments Historiques.
Le Bourdigou
Le site naturel du Bourdigou est un des derniers espaces naturels du littoral du Languedoc-Roussillon. mais du début du siècle jusqu'en 1979, il fut le lieu d'inoubliables étés familiaux .
Depuis bien longtemps et surtout dès le début du 20e siècle le Bourdigou fut aussi le lieu où les pêcheurs à la traîne installèrent de petites baraques afin d’y entreposer leurs matériels. Pour certains d'entre eux ces "barracas"," paillotes" devinrent leurs maisons. Construites avec les sanils des alentours, balayées par la tramontane, les "barracas" abritaient parfois des familles entières se rapprochant au plus près de ce que la mer pouvait leur offrir. De quatre puis six barracas, elles furent de plus en plus nombreuses, allant jusqu'à créer un véritable petit village.
Durant fort longtemps les pouvoirs publics toléreront la présence de ces abris maritimes édifiés sans achat de terrain sur le domaine privé de l'État et sur le domaine maritime.
À l'arrivée des congés payés en 1936, un nombre important de cheminots, d'ouvriers catalans souhaitant prendre quelques jours de vacances s'y installèrent pour l'été. Les cabanons construits avec les moyens du bord s'ajoutèrent aux paillotes.
Arriva la Seconde Guerre mondiale. Les troupes allemandes souhaitant pouvoir édifier leurs défenses sur la plage firent détruire le « village » du Bourdigou. Les habitants du village, les “ Bordigueros ” dès leur départ reconstruisirent leurs paillotes et cabanes à l'identique.
Des jardins et potagers sont apparus avec leurs figuiers et leurs citronniers. Un peu plus tard, les Bordigueros creusèrent des puits perdus, des fosses septiques, et aménagèrent des voies d'accès.
En 1961, par décision du tribunal administratif de Montpellier, l'existence du Bourdigou est sinon admise, du moins tolérée. Les cent trente-cinq habitations recensées paieront des impôts locaux à la commune.
Parallèlement, la mission Racine commence ses aménagements sur le littoral catalan. Les habitants des autres "villages" de pêcheurs sont chassés de leurs barracas. Ils se replieront au Bourdigou. La population estivale ne cessera d'augmenter, jusqu'à atteindre cinq mille personnes au début des années 70. L'époque des inoubliables étés familiaux au Bourdigou.
En 1976, le site est connu sous le nom de "Commune libre du Bourdigou".
L'État ne peut accepter qu'un tel village apparaisse aux portes de ses "grandes" stations de la Mission Racine. Un arrêté d’insalubrité sera pris suivi d’expulsions et de condamnations des familles par le tribunal pour occupation sans titre des terrains. S'en suivra la destruction entre 1976 et le 24 avril 1979.
Dans l’hebdomadaire « Sud », le directeur de la Mission Interministérielle de l’Aménagement du Littoral déclarera : « Il ne faut pas considérer l’aspect sociologique de la baraquette. Dans ce domaine, on se laisse aller à des fantaisies qui n’ont rien à voir avec la réalité. Il faut assainir tout cela. Nous devons améliorer l’image de marque du littoral pour l’ouvrir au tourisme international ».
Quinze ans plus tard, la cabane de pêcheur de Coudalère sur la commune du Barcarès était réhabilitée symboliquement par son classement au titre des Monuments Historiques en 1994 ainsi que la "Baraque Cabrol" de l'étang de Salses-le-Château en septembre 2013.
Le "Village des Sables"
Le littoral de Torreilles est constitué d'une longue plage de 4 km. Sa faible urbanisation en fait une des plages les plus préservées de la côte sablonneuse de la côte catalane.
La commune est labellisée depuis 2009 "station verte" en maintenant l’équilibre entre la station balnéaire, son passé chargé de traditions, son environnement et la dimension humaine.
La plage de Torreilles possède une "curiosité" qui fut longtemps décriée.
En 1978, période où seront rasées les baraques du Bourdigou, dernier village de paillotes et de cabanons de la côte naîtra le "Village des Sables" en 1978 composé de 640 pavillons imaginés par des architectes perpignanais sur le littoral de Torreilles.
Respectant la circulaire Icant, le promoteur Guy Merlin fera bâtir des villas "invisibles" depuis la mer.
Le village construit sur un terrain de 33 ha proposera des logements sans vis à vis construits contre une butte de sable artificielle, orientée au nord, pour les protéger de la tramontane et maintenir une certaine fraîcheur. Leur toit sera couvert de roseaux à l'instar des barracas des pêcheurs.
Le "village des sables" est aujourd’hui montré en exemple comme modèle d’intégration au milieu naturel.