
Banyuls-sur-Mer
Banyuls-sur-Mer Pyrénées-Orientales Occitanie
Nichée autour de sa baie à l'abri de la tramontane, Banyuls de la Marenda s'étire sur un territoire de 4243 ha.
Son altitude varie de 965 m au niveau de Serrat de Castell Serradillo près du Puig de Sallfort jusqu’au niveau de la mer.
En arrière-pays s'étendent les vignobles sur des coteaux abrupts jusqu'au Col de Banyuls. Les pentes y étant très fortes, durant des siècles les générations successives de vignerons ont dessiné un vignoble de feixa (terrasses) qui laisse apparaître des kilomètres de murettes de schiste au tracé bien spécifique appelé « peus de gall » (pattes de coq). À leur pied des agulles (rigoles) pavées aident à l'écoulement des eaux de pluie et permettent ainsi d'éviter le ravinement des sols. Ce tracé se retrouve aussi sur les vignobles de Collioure.
La Ribera de Vallauria (La Baillaury) qui prend sa source au sud de la tour Madeloc à 350 m d'altitude traverse le territoire et reçoit divers petits affluents notamment celui des Abelles. Le nom de Vallauria sera cité dès le 12e siècle " Vallis Aurea " faisant référence à une vallée aurifère.
Différents vestiges notamment dans la cova de la Pouada près de la Serrat de l'Home Mort attestent d'une présence humaine dès le Néolithique sur le territoire. On trouve trace de Banyuls-sur-Mer dès 981, sous les termes de Balneum et Balneola. En 1078 on la retrouve sous le nom de Bannils de Maritimo mais ce n'est qu'à partir du 19e siècle qu'elle apparaîtra sous Banyuls de la Marenda.
L'essentiel des 4760 habitants de Banyuls-sur-Mer est situé sur la côte. Au 9e siècle cependant la population était surtout concentrée sur quelques hameaux qui se sont constitués autour d'anciens mas fortifiés comme le mas de Les Abelles, qui fut occupé dès l'époque romaine par une tour de garde surveillant le coll d'Espils devenu plus tard le coll de Banyuls. À noter que Cosprons à cette époque faisait encore partie du territoire de Banyuls, avant qu'il ne soit rattaché en 1823 à la nouvelle commune de Port-Vendres. Ce n'est qu'à partir du 15e siècle, que les premiers habitants s'installèrent en bord de mer.
Terre de vignoble depuis l'antiquité, Banyuls deviendra à partir de la signature du traité des Pyrénées qui séparera la Catalogne, une terre de contrebande. À l'époque le village vit difficilement de la pêche et de la vigne. La contrebande deviendra rapidement une activité vitale et plus lucrative. Par terre ou par mer, tabac, laine, sucre, riz, sel passent la frontière. Louis XIV, impuissant finira par déclarer Banyuls de la Marenda « République contrebandière ».
En 1878, le chemin de fer arrivera sur Banyuls-sur-Mer, et celle-ci deviendra dès lors une station balnéaire et un centre de thalassothérapie renommée. Elle est aujourd'hui le point de départ ou d'arrivée du GR 10 et de la HRP (Haute randonnée pyrénéenne) qui traversent la chaîne des Pyrénées reliant la mer Méditerranée à l'océan Atlantique.
L'Observatoire Oceanologique
En 1880 le biologiste et zoologiste français Henri de Lacaze-Duthiers décidera d'implanter à Banyuls-sur-Mer un laboratoire consacré à la biologie marine qui ouvrira en 1882. Presque 140 ans plus tard le « Laboratoire Arago » devenu l'Observatoire Océanologique de Banyuls-sur-Mer continu de permettre la découverte des milieux naturels sous-marins des Pyrénées-Orientales ainsi que les espèces végétales, locales ou typiques au climat méditerranéen au travers du Biodiversarium.
Les petits mas de Banyuls-sur-Mer.
Le territoire de Banyuls compte de nombreux petits mas en arrière-pays. Certains ont survécu au fil des siècles d'autres beaucoup moins. Il n'est pas rare au détour d'un sentier d'apercevoir ça et là les ruines de ce qui fut il y a bien longtemps des habitations, bergeries, églises. Quelques-uns d'entre eux, situés sur les hauteurs possédaient même une tour de guet. On en a dénombré jusqu'à 6 sur le territoire de Banyuls et notamment celle du mas d'en Pagès, du mas d'en Batlle, et les deux du mas Reig. Les deux autres tours sont citées dans les textes mais n'existent plus de nos jours. L'une était située à l'emplacement de l'église de la Rectorie, l'autre au niveau du Puig del Mas.
Situé à l'ouest de la commune de Banyuls-sur-Mer, entre le puig de Sallfort et le Coll de Banyuls, le mas des Abelles fut un des mas les plus importants qui se développa autour de son église Santa Maria de ses Abeylles.
Non loin sur le versant sud des Albères, au-delà de la frontière, se trouve le monastère de Sant Quirze de Colera. Ce monastère entamera une période d'expansion de ses territoires vers le nord, par des achats de terres et la fondation de paroisses. C'est ainsi qu'au 13e siècle, les vallons de l'Eglise Sainte-Marie de Torreneules et de l'abbaye Sainte-Marie de Valbonne sur le territoire d'Argelès-sur-Mer dépendirent pendant un temps de ce monastère.
Le monastère de Sant Quirze de Colera encouragera assez tôt le peuplement de la haute vallée de Banyuls. En effet le littoral étant considéré comme "hostile" en raison des actes de pirateries de l'époque et des forts coups de mer, ce sont les vallées qui seront privilégiées pour l'installation des paroisses.
En 1228, le Comte d'Empúries fera don à Guilhem de Pavo, son vassal, de la seigneurie de Les Abelles qui la conservera jusqu'au 15e siècle. En 1249, Guilhem de Pavo obtiendra l'autorisation de construire un "castrum" en lieu et place du mas de Les Abelles.
Santa Maria de ses Abeylles sera construite au 11e siècle, mais n'apparaît dans les textes quand 1248. Elle est citée en paroisse en 1372 sous le nom de "parrochia de apibus" (la paroisse aux abeilles).
Petite église romane, à nef unique surmontée à l'est d'une abside semi-circulaire, elle finira par être délaissée et abandonnée. En 1592, sa cloche sera ôtée et installée à l'église Sant Joan d'Amunt (la Rectorie).
En 1685, l'église qui menace de s'effondrer est restaurée. L'entrée sera modifiée et elle se verra dotée d'une petite annexe destinée à héberger un ermite. L'église devenue ermitage continuera de fonctionner jusqu'à la Révolution française. L'habitat se développant près de la côte, peu à peu les habitants délaisseront le mas isolé.
Dès lors le mas, ses bâtiments et bergeries seront laissés à l'abandon et de nos jours on ne peut découvrir que ses ruines.
Aristide Maillol, le Banyulenc amoureux des belles formes.
Aristide Maillol est né le 8 décembre 1861 dans le quartier du cap d'Osna à Banyuls-sur-Mer. Il débuta sa carrière dans la peinture et s’intéressa très tôt aux arts décoratifs : céramique, tapisserie, avant de se consacrer à la sculpture, vers l’âge de quarante ans.
En 1882, il monte à Paris, pour suivre des cours de dessin et de peinture à l’École des Beaux-Arts. Lors d'une visite au musée de Cluny, il découvre la majestueuse Dame à la Licorne, une tenture composée de six tapisseries du début du 16e siècle. Profondément impressionné par cette tenture, de retour à Banyuls, il crée un petit atelier qui fonctionna de 1893 à 1900 environ. Il y employa plusieurs ouvrières dont l'une, Clotilde Narcis, deviendra sa femme en 1895.
En 1905, il expose le plâtre de "La Méditerranée" ou" La Pensée ", une femme assise, absorbée dans ses pensées, le coude appuyé sur son genou et la tête reposant sur sa main. Il en existe plusieurs versions et copies en pierre et en bronze. C'est sa femme Clotilde Narcis, qui en fut son modèle.
En 1928, Aristide Maillol accueille chez lui à Marly-le-Roi, Lucile Passavant. Âgée de 18 ans, cette étudiante en dessin dans les cours du soir de l'Académie de la Grande Chaumière, fait naître chez Clotilde Maillol alors âgée de 67 ans un sentiment de jalousie. D'allure pourtant fragile, la jeune adolescente renvoie l'image du modèle idéal. Aristide Maillol lui enseignera la gravure sur bois, et elle en deviendra la maîtresse. Clotilde saccagera l'atelier de Maillol en 1930, lorsqu'elle les surprendra en flagrant délit de grande intimité.
Cherchant une inspiration nouvelle, il en fera son modèle trois années durant. Elle est entre autres l'une des Trois Nymphes (1930).
En 1934, Aristide Maillol fait la connaissance de Dina Vierny. Arrivée en France en 1925 à l'âge de 6 ans, Dina Vierny a fui la Russie avec ses parents, des musiciens juifs révolutionnaires. Elle n'avait que 15 ans, lui 73. Il tomba sous le charme de cette adolescente aux formes potelées et aux longs cheveux noirs. Elle l'appelait "Le Patron", mais il fut aussi un ami et un protecteur.
En 1940, Dina Vierny fait le passeur pour des militants antifascistes fuyant vers l'Espagne. Aristide Maillol dans le secret, lui indiquera alors un chemin de contrebandiers à travers les montagnes, la « voie Maillol ». Sa robe rouge servira de point de repère à ceux qu’elle doit guider, ce qui inspirera un tableau à l’artiste (Dina à la robe rouge, 1940).
Au début de l'année 1943, elle sera arrêtée par la Gestapo au cours d'une rafle opérée à l'Académie de la Grande Chaumière à Paris. Inculpée pour trafic de fausse monnaie, torturée, emprisonnée, et promise à la déportation, elle ne devra son salut qu'à l'intervention du "Patron".
Le 15 septembre 1944, Maillol souhaite rendre visite à Raoul Dufy, à Vernet-les-Bains. Le docteur Nicolau le conduit en voiture, mais un orage éclate et les deux hommes sont victimes d’un accident. Maillol est blessé à la mâchoire. Il ne peut plus parler. Il décédera chez lui, dans sa maison"rose" du cap d'Osna, à Banyuls, le 27 septembre 1944.
Modèle pour Maillol, mais aussi pour Matisse, Bonnard ou Dufy, Dina Vierny devint également une galeriste et une collectionneuse reconnue.
Elle sera chargée par Lucien Maillol (1896-1972), fils unique et héritier du sculpteur, de gérer et valoriser l'œuvre du « Patron ».
Aristide Maillol laisse une œuvre considérable que l’on peut admirer à Paris, en province et à l’étranger. Dans les jardins des Tuileries sont exposées les dix-huit sculptures offertes sous l’égide d’André Malraux, en 1964, par Dina Vierny. Elle créa rue de Grenelle, le Musée Maillol consacré à l’artiste, inauguré en 1995 par François Mitterrand.
À Banyuls-sur-Mer, dans la vallée de la Roume, Aristide Maillol a acheté la Métairie. Il y allait dessiner et peindre lors de ses séjours. Son fils Lucien Maillol (1896-1972) en fera don à la ville de Banyuls à la mort de son père. Quelque temps abandonné le site sera restauré grâce à Dina Vierny, et la ville de Banyuls-sur-Mer.
Transformé en musée, il est ouvert au public depuis fin 1994. Aristide Maillol repose dans le jardin à l'ombre des pins, sa tombe est ornée d'une de ses œuvres préférées "La Méditerranée". Le musée présente de nombreuses œuvres, céramiques, des bronzes, des peintures, mais aussi sa vie quotidienne au travers d'une réplique de la salle-à manger de son atelier à Marly-le-Roi et sa cuisine.
Plusieurs de ses œuvres ornent les allées qui longent le bord de mer, notamment "L'air", "Ile de France sans bras", la "Jeune fille allongée", "L’action enchaînée sans bras" ainsi que derrière la mairie, place Dina-Vierny, où se trouve l'original du "Monument aux morts pacifiste" déplacé en 1989 de l'Illa Grossa afin de le protéger et remplacé par une copie en bronze.
Jeune fille allongée - 1921
L’action enchaînée sans bras 1905-1908
L'air - 1938
Ile de France sans bras - 1911
Monument aux morts pacifiste 1932
Maillol et la villa Douzans.
Restaurée en 2015, inaugurée en 2019, à découvrir à Banyuls, la villa Douzans parmi les plus anciennes constructions du bord de mer, inscrite à l’inventaire complémentaire des monuments historiques depuis 2015.
Construite en 1790 comme extension d'un bâtiment plus ancien, elle abrite des peintures réalisées par Aristide Maillol, fraîchement diplômé de l'École des Beaux-Arts.
Eglise romane Saint-Jean-l'Évangéliste "La Rectoria"
À découvrir un autre édifice du patrimoine de Banyuls, l'église romane dédiée à Saint-Jean-l'Évangéliste (Sant Joan Evangelista) communément appelée "la Rectoria" du nom du hameau dans lequel elle se trouvait.
Située dans la partie sud-ouest de la ville, elle succéda à l'église Santa Maria de ses Abeylles en tant qu’église paroissiale au 14e siècle.
La première mention de "La rectoria" apparaît en 1197 dans les textes. L'édifice comprend deux parties distinctes. L'église romane à nef unique datée du 12e siècle et une seconde nef d'égale longueur au sud plus étroite ajoutée en 1736 en raison de l'augmentation de la population.
En 1639 l'église sera dotée d'un retable représentant Sant Galdrich (patron des vignerons) , Sant Sébastià, Sant Pere , Sant Pau et Sant Joan l'Évangéliste. Détruit par un incendie en 1855 sera finalement rénové dans les années 1960.
La façade à l'ouest est surmontée d'un clocher-mur à trois arcades sur deux niveaux, sous lequel s'ouvre un grand portail en plein cintre à multiples rouleaux orné de damiers, de torsades et de personnages.
À l'intérieur, la nef est voûtée en berceau plein cintre. L'arc triomphal brisé précède le sanctuaire en cul de four. La seconde nef est de construction plus légère que la nef d'origine et communique avec celle-ci par de larges arcades.
On y découvre des ex-voto, de nombreuses statues dont un Christ en croix du 17e, une statue de Saint-Jean-Baptiste du 18e et la statue de la Vierge à l'Enfant Notre Dame des Abeilles du 15e siècle. L'église La Rectoria est inscrite au titre des Monuments Historiques depuis 1962.
À la suite de l'incendie, on décidera de la construction d'une nouvelle église qui sera inaugurée en 1888. Elle deviendra la nouvelle église paroissiale. Malheureusement, cette nouvelle église de style hétéroclite roman, gothique etc ... construite sur un sol marécageux et donc instable, verra son clocher s'affaisser, se démanteler avant qu'elle ne soit complètement détruite dans les années 1950 et remplacée par l'église Saint-Jean-Baptiste en 1969 que l'on connaît aujourd'hui.